(002) l'art de traverser l'automne à contrecœur
Je déteste l'automne, mais voici les cinq habitudes que je compte mettre en place pour y survivre et (peut-être) l'aimer.
Je hais l’automne.
Je scelle mes lèvres chaque année alors qu’Internet s’euphorise de l’arrivée de cette saison et de ses rituels qui ne signifient rien pour moi, de ces boissons épicées saturées de cannelle dont je déteste tant l’odeur et l’arôme que je prétends parfois y être allergique pour n’offusquer personne, de ces coups de vent et ces écharpes, de ces films horrifiques qui me rappellent à quel point la violence est quelque chose en moi qui me fait mal et qu’il me faut sortir à tout prix par l’écriture et ne plus jamais ingérer.
Oui, sans doute qu’une part de moi ne s’y identifie pas car je suis un pick me, qui fronce des sourcils chaque fois qu’une foule se rue dans une direction, et qui finit par adhérer à l’enthousiasme que bien trop tard, les bras ballants, déçue de comprendre que l’engouement s’est essoufflé et que je vivrai cet emballement seule, après tous les autres.
À vrai dire, ce n’est pas tant que je déteste l’automne, c’est plutôt l’été que je déteste sentir s’achever. Ma dernière lettre faisait état de cette nostalgie, de ce pincement à l’estomac tandis que la mer recule, consciente qu’il me faudra attendre un an pour la voir s’abattre de nouveau.
L’été est la seule saison où je peux être moi-même. Ne rien faire et sentir que ça m’est autorisé. Pousser les heures de la nuit sous une canicule étouffante, allongée sur le ventre dans mes draps, vêtue d’un pyjama short de coton agréable, les jambes s’agitant dans le vide, un ordinateur sous les doigts, dernière veilleuse du village. Mon imagination flottante, superposée aux paysages que révèle la fenêtre du wagon ou du véhicule, un album des années 2010 propagé par mes écouteurs. Les pins et le sel. L’océan et le soleil. La solitude et la nostalgie.
L’automne m’oblige à ranger mon flegme, à me ranger moi, à regagner la ville où tout le monde se presse, où je suis forcée de prendre mon orgueil en main et de jurer à tous que je consens à travailler dur pour devenir quelqu’un, un individu à même de recevoir l’approbation de la société.
J’apprécie certes dégainer cette collection de vestes demi-saison que j’alimente depuis une décennie, et l’odeur des carnets neufs de la rentrée, et ma première blonde en terrasse, avalée le nez rouge parmi les fumées étouffantes de cigarette, et revoir mes amis qui me manquent tant, tout le temps, à chaque seconde, mon premier latte chaud bu face à Notre-Dame, un livre d’occasion à la main chez Shakespeare. J’aime le raisin rose et les figues. J’aime certes la pluie et la buée, j’aime l’idée de bientôt serrer entre mes doigts l’exemplaire d’un roman de Jane Austen encore jamais lu – mon rituel automnal à moi.
Mais la fin des beaux jours signe surtout selon moi l’arrivée de l’hiver et de ses nuits longues, des rhumes interminables, de la dépression hivernale à laquelle ma constitution vulnérable ne me laisse pas échapper, où Noël est une lumière fragile et éphémère dans le noir.
Pour aborder cette période qui est la véritable rentrée, celle où tout recommence, où les résolutions ne sont pas une parade mais une nécessité, j’ai conçu, dans mon inconscient, une série d’habitudes que je souhaite honorer ces prochains mois. Les voici.
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L’objectif est de m’inspirer plutôt que de me conforter dans mes travers, de choisir ce qui nourrit mon âme à la polémique et au spectacle qui règnent sur les réseaux sociaux. Retourner mon addiction contre elle-même à défaut de pouvoir l’enrayer définitivement.
- 1 - Scroller consciencieusement
Puisque je ne peux pas tuer le mal à la racine, autant le détourner et le transformer en bien. Comme tout un chacun dans cette génération, j’ai une addiction littérale aux réseaux sociaux. On a beau proclamer la toxicité de ces applications, je me suis souvent cachée derrière l’excuse de l’inspiration pour les fréquenter. Mais les études récentes enfoncent le clou, ma santé mentale doit l’avouer, tous ces mèmes me font du mal.
Alors j’ai pris une décision, il y a un mois : créer un nouveau compte TikTok et biaiser l’algorithme pour n’obtenir que des vidéos instructives ou esthétiquement plaisantes, que je range dans des dossiers pour ne plus les laisser s’évaporer. Mon autre résolution est de privilégier les réseaux sociaux qui me font choisir ce que je consomme et qui privilégient les formats longs : Substack, Youtube, ou les podcasts.
L’objectif est de m’inspirer plutôt que de me conforter dans mes travers, de choisir ce qui nourrit mon âme à la polémique et au spectacle qui règnent sur les réseaux sociaux. Retourner mon addiction contre elle-même à défaut de pouvoir l’enrayer définitivement.
Substack est en soi une expérience intéressante. Je pense que beaucoup d’entre nous cherchent des façons de communiquer de changer qui nous permettent de ne pas être destructeurs. Il me semble que les réseaux sociaux sont une sorte de drogue récréatives que nous avons tous commencé à prendre, il y a 10 ou 15 ans, à fortes doses. Au début, c’était vraiment amusant. Mais maintenant, on est tous devenus accros, et plus personne n’en tire de plaisir. On fuit seulement le manque.
Oser, créer, tenter, échouer, tout ça vaut bien mieux que la honte ou l’orgueil.
- 2 - Créer davantage
J’ai lu quelque part sur Substack1 que la tristesse de nous autres artistes s’expliquait par cette fâcheuse tendance que nous avons tous aujourd’hui à consommer plus que nous créons. Les réseaux sociaux sont en cause, ici encore. À recevoir davantage que nous ne rendons – cette expression le dit mieux.
Nous aurions donc oublié que nos sociétés s’organisaient autour du don et du contre-don. L’art est-il un créateur de lien social comme les autres ? La figure de l’artiste solitaire et incompris nous fait-il omettre que l’art est toujours une tentative de déchirer ce rideau imperméable qui nous sépare les uns des autres ? Mais entendre sans dire en retour, ça ne peut être que frustrant.
L’autre jour une amie me faisait observer les commentaires alignés sous un TikTok et me disait : combien de gens ne commentent pas, regardent sans s’exprimer ? Assurément, nous faisons presque tous partie de cette catégorie de muets. Ce serait même une des grandes mutations sociales connues par les réseaux sociaux cette année : les gens sont fatigués d’interagir sur les réseaux sociaux.
Alors mon objectif est de créer davantage, de m’imposer la discipline qui le permet, et de m’essayer à de nouvelles façons de m’exprimer. Cet été, il m’est arrivé de participer à un atelier d’aquarelle. J’ai imbibé ma feuille d’eau, j’ai diffusé les couleurs, j’ai fait fi des consignes car plus jeune je n’étais pas suffisament indisciplinée pour le faire. J’ai compris, en occupant mes mains ainsi, à créer de la beauté (relative) sans objectif particulier, sans retour sur investissement escompté, sans même chercher à faire plaisir au professeur, que je n’avais pas beaucoup créé pour le plaisir, et juste pour le plaisir, sans me prendre en sérieux, sans me flageller de ne pas être assez talentueuse, ces temps-ci. Ces dernières années, j’ai progressé dans les choses dans lesquelles je suis douée, mais je me suis jamais rarement autorisée à être nulle.
Une newsletter à ce sujet est prête mais, en 2025, je me suis autorisée à débuter une pratique sportive à partir de zéro. À passer les portes des locaux un peu honteuse jusqu’à my sentir à l’aise. À m’instruire de fond en comble sur un sujet dont je ne savais rien. J’ai pris confiance en moi, et cette nouveauté a porté des fruits dans ma vie.
Oser, créer, tenter, échouer, tout ça vaut bien mieux que la honte ou l’orgueil qui nous maintient dans notre zone de confort. Peut-être même qu’il s’agit de notre devoir. Alors que l’IA inonde les réseaux et se nourrit de notre propre travail à notre insu, peut-être devons-nous lâcher un cri imparfait dans le vide, dire notre dignité humaine et maladroite de moins en moins audible parmi le bourdonnement des machines.
Alors, cet automne, je veux court-circuiter le doute pour créer et essayer.
Les notes sont un outil pratiques. Elles sont le tampon entre l’idée et l’action. Elles décomposent et établissent le plan, elles lui servent de support.
- 3 - Travailler ma prise de notes
J’ai récemment compris quelque chose d’important : mes procédés prise de notes sont responsables de nombreux de succès dans ma vie. Parce que les notes sont un outil pratiques. Elles sont le tampon entre l’idée et l’action. Elles décomposent et établissent le plan, elles lui servent de support.
Mes notes orientent mon quotidien dans une direction, elles me permettent de tenir le gouvernail et de progresser dans des domaines déterminés. Mes notes recensent le vocabulaire nouveau et les citations que j’aime, qui me serviront à mieux écrire mes histoires, elles organisent mon emploi du temps, saisissent mes pensées flottantes et échafaudent une organisation pour les déployer avec plus de profondeur.
C’est un outil banal que j’ai bien trop banalisé.
Il est trop facile de dégainer l’outil notes du téléphone et d’y inscrire des pensées, de ne jamais les relire ou les relier. Mais les notes peuvent aussi être un support.
Mon mois de septembre est consacré à l’exploration d’un système de notes fonctionnel, à même de répondre à mes besoins et projets. Des notes quotidiennes où je m’efforce de briser le dos à certains schémas psychologiques robustes et malsains. Des dossiers consacrés à des thématiques qui m’intéressent et que je ne prends jamais le temps d’explorer. Des schémas pour comptabiliser les mots écrits et me motiver. Des endroits où consigner les vidéos et les livres que j’absorbe, pour que tout ça cesse de s’évanouir dans le néant d’Internet, jour après jour.
Ce que j’ingère et ce que j’en retire sont de la matière. De la matière qui deviendra romans, essais, créations diverses. Les notes sont un outil puissant pour effectuer cette transmutation. Je veux m’y dévouer davantage.
Je perds trop souvent l’habitude de contempler la magie et le bien.
- 4 - Ressentir la gratitude, apprendre à recevoir l’amour
J’ai parfois pris l’habitude, à certains moments de l’année où certaines pensées noircissaient mes humeurs, de prendre un temps, chaque soir, pour énumérer mes gratitudes de la journée.
Cet exercice de douceur m’a permis de comprendre qu’il me fallait, chaque soir, toujours plus d’une main pour tout comptabiliser, que tout était, après tout, magique. Du café du matin à la rencontre impromptue sur un boulevard parisien, les sourires échangés dans le métro, la nourriture dans mon assiette, cette page de roman extraordinaire lue dans la queue de la cafétéria. Et puis les victoires. Toutes ces victoires contre le mal qu’on a vite fait de banaliser.
Je perds trop souvent l’habitude de contempler la magie et le bien. Mais c’est vers le bien que je veux m’orienter toute entière, et la gratitude sera mon outil privilégié cet automne.
Mais j’ai compris autre chose, ces dernières semaines. Il est bon d’orienter son regard, qu’il nous aide à sortir de nous-mêmes, mais il est parfois plus facile de se projeter vers l’extérieur et d’oublier qu’on mérite, nous aussi, de l’amour, du bien.
Je me sens toujours indigne de cet amour.
Quand une amie m’offre le café ou le restaurant.
Quand on accepte de parcourir le chemin jusque chez moi pour dîner, alors même que j’habite dans un quartier excentré de tout.
Lorsqu’on prend de mes nouvelles par message.
Quand on me dit être là pour moi, de la même façon que je peux être là pour mes amis.
Agir ainsi me semble naturel. Recevoir tout ça en retour me donne le sentiment d’être indigne.
Ouvrir son cœur n’implique pas seulement de se tourner vers l’autre mais d’apprendre à recevoir ce qu’il nous donne avec son propre cœur ouvert, pour encore mieux donner à son tour.
User de mon corps sans l’user.
- 5 - Arranger une place au sport dans cet emploi du temps!
J’ai dans mes tiroirs une newsletter toute prête consacré au pouvoir que le sport a eu sur ma vie cette année, et c’est un élément indispensable de mon équilibre désormais. Toutefois, la neurasthénie estivale, l’arrêt de mon abonnement pour choisir une autre salle moins onéreuse, une blessure au pied ont constitué des raisons suffisantes pour procrastiner mon retour.
Il y a aussi la charge mentale qu’implique le fait de placer un nombre raisonnable de séances par semaine et d’orchestrer un régime adapté et demandant – c’est vraiment difficile d’ingérer 90 grammes de protéines par jour, quel enfer.
Mon objectif de l’automne est de reprendre la salle de sport tout en étant tendre avec moi-même et en privilégiant l’écoute de mon système nerveux – certains exercices physiques le mettent à rude épreuve.
Je veux être en bonne santé, je veux user de mon corps sans l’user. Voilà les priorités.
Merci d’avoir lu cette lettre dans son entièreté ♡
Cette lettre… Ou plutôt cette parenthèse ! Vous vous souvenez, il y a quelques mois j’inaugurais un format plus court, plus ancré dans mon quotidien. Je n’étais pas très satisfaite du titre, et j’ai enfin trouvé celui de parenthèses cet été (d’où le chiffre entre parenthèses, qui distingue ces formats des lettres classiques).
Que pensez-vous de ce format ?
Qu’aimeriez-vous voir par la suite ?
N’hésitez pas à commenter cette newsletter ou à m’y répondre sous forme de mail. Si j’écris ici, c’est avant tout pour récolter vos réactions, échanger ensemble.
J’aimerais être réellement plus active ici car je sens qu’on construit quelque chose de beau tous ensemble et je suis vraiment touchée par vos messages lorsque vous me dites aimer les quelques articles que j’ai pu pondre ici, au cours de l’année passée. Je ne veux pas m’imposer un rythme trop violent, rester souple vis-à-vis de moi-même, mais n’hésitez pas à me faire part de vos envies. Tout ça m’aidera à construire la suite de 03:03.
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On se retrouve bientôt, à 03:03, pour le prochain numéro.
Sincèrement,
Maxandre Chamarré 🏹
P. -S : happy birthday à 03:03 ! Ça fait maintenant un an que je suis ici, et merci pour tout 🎂
Je ne retrouve plus la source. Promis, si je retrouve ce post, je l’indique ici. Mais c’est une idée que j’ai aperçue autrement formulée plusieurs fois, et je pense y consacrer une lettre dès que j’aurai réorganisé mes sources.
Je me reconnais tellement dans ce que tu décris sauf que c'est pendant l'été que je coule chaque année. Curieusement c'est le système scolaire qui me sauve des crises d'angoisses que je fais à répétition pendant les grandes vacances, qui me donnent toujours l'impression d'être livrée à moi même et à mon anxiété. C'est super intéressant de lire des expériences différentes merci beaucoup !
Ce format est vraiment bien ! J'ai adoré ta plume qui était très fluide. J'avoue aimer l'automne (même si je déteste la cannelle) mais ces résolutions sont une bonne idée à suivre. C'est toujours un plaisir de te lire en newsletter 🫶🏻